Dans le cadre de nos recherches nous avions négligé un site important de Bougie, c’est le four à chaux de la baie de Sidi Yayah, alimenté en matière première par la carrière du Grand phare par wagonnets aériens. Vous vous en souvenez certainement lorsque l’on se rendait au Petit-phare ou aux Aiguades par la route du haut ! Passée la cité Floch, dans la grande courbe en épingle à cheveux avant d’arriver à l’entrée du Petit-phare, nous étions survolés par cette noria incessante de wagonnets. Rappelez-vous aussi la carrière de calcaire où se terminait la route qui mène au Grand phare avant de prendre le tunnel.
Voilà, le décor est posé.
A qui devions-nous cette usine ?
En 1887 il était déjà question de l’implantation de cette usine « considérable » dans la baie de Sidi Yayah (EDB du 18/05/1887) par la Société des chaux hydrauliques et ciments algériens créée par la famille Ferrouillat.
Ce nom de Ferrouillat était déjà associé à la région de Bougie bien avant la construction de l’usine de Bougie. Les frères Ferrouillat, Auguste et Prosper des jumeaux, faisaient partie dès 1882 des premiers Lyonnais qui investirent dans des terres sur le littoral entre Bougie et bien après Oued-Marsa. Pour leur part ils firent l’acquisition d’une vaste étendue de terre d’une surface de 860 ha (Sidi Rehane).
Auguste Ferrouillat fut le fondateur et le directeur du journal « Lyon Républicain » (1875). Il fut mêlé successivement à la colonisation de l’Algérie, de Madagascar et du Maroc. Son frère Prosper fut co-fondateur du journal et sera la cheville ouvrière de leurs affaires algériennes. Il fut créateur de la Société des chaux hydrauliques et ciments d’Algérie.
La formation officielle de la société de Bougie eut lieu en 07/1891 (AdB 07/1891 et OS n° 468 de 07//1891). L’usine fonctionnait déjà. Elle comprenait l’ensemble de l’usine et ses dépendances sur environ 4ha, une carrière de calcaire située sur les flancs du Gouraya, toute la machinerie fixe et mobile servant à l’exploitation et la marque de fabrique de la « Société Prosper Ferrouillat. Ce sera la « Société des chaux et ciments d’Algérie, Prosper Ferrouillat et Cie ».
Un vaste dépôt principal sera construit à Alger dans l’arrière-port de l’Agha, un autre, entrepôt intermédiaire à Bougie, à proximité de l’usine juste en face du wharf qui servait à l’embarquement direct sur les vapeurs des compagnies côtières (dont la Schiaffino), des produits qui sortaient de l’usine.
Ce wharf ne servait plus à notre époque (années 1940/1950) le transport de ces produits se faisant certainement par camion. Lorsque nous nous baignions à la Brise de Mer nous allions régulièrement y plonger, parfois y pêcher.
Cette production de chaux de qualité rencontra un grand succès dans tous les travaux publics et particuliers en Algérie.
Au début de l’Algérie la construction n’était alimentée en chaux et ciment que par les usines de la Métropole. Ces usines s’étaient liées en un consortium puissant, sans concurrence sur place et pouvaient pratiquer des prix leur laissant des bénéfices élevés. Pour remédier à une telle situation quelques colons décidèrent de se grouper et de créer une installation industrielle indépendante et que la totalité des installations fussent sur place et modernes. Ce fut cette idée qui donna naissance à la Société anonyme des chaux hydrauliques et ciments d’Algérie (l’AFN illustrée – 1921).
Cinq usines étaient implantées en Algérie. Après la guerre de 14/18 la production de ces produits créera une relative indépendance de l’Algérie, alors qu’avant-guerre les 2/3 des besoins étaient importés. Indépendance toute relative puisqu’aucun des investissements ne provenaient de capitaux locaux (« L’Algérie Révélée » de Guy Meynier-1981).
Des différents directeurs qui s’y succédèrent nous retiendrons le nom d’Albert Crozat de 1911 à 1933.
Prosper Ferrouillat est décédé à Lyon en 1926 (journal des Débats 1926).
Ceci est un résumé succinct de tout ce que nous avons relevé dans la presse locale de l’époque et dans quelques ouvrages qui y consacrent quelques chapitres.
Rapporté par Roland Pêtre
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